Marie Martinod, maman freestyle et rock’n roll

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Photo AFP / Loïc Venance

Marie Martinod a remporté hier sa seconde médaille d’argent olympique, à Pyeong Chang en Corée du Sud, quatre ans jour pour jour après celle de Sotchi, en 2014. Certes, elle faisait partie des favorites de l’épreuve de halfpipe, mais rien n’était joué d’avance pour la maman du circuit, qui n’avait plus ni sponsors ni budget à l’aube de la saison dernière. Avec un début de saison en dent de scie à cause d’un 1080° qui ne rentre pas toujours (qu’elle ne maîtrise pas encore parfaitement), Marie a montré qu’elle était en forme mais faillible. Si la doyenne du milieu se distingue par un style impeccable, des grabs parfaitement tenus et des figures d’une grande propreté, la concurrence est rude et les filles plus jeunes prennent un peu plus de hauteur qu’elle, ce qui peut jouer en leur faveur. Ce fût le cas de la canadienne Cassie Sharpe qui s’est ainsi octroyé l’or olympique. Quoi qu’il en soit Marie n’est pas déçue. Pour sa deuxième et dernière participation aux JO, elle a tenu son rang de belle manière, devant les yeux de ses proches venus la soutenir. Pour elle comme pour le freestyle français, l’argent vaut bien tout l’or du monde.

 


Le grand public découvre Marie Martinod pour la première fois  le 20 février 2014 lorsqu’elle remporte la médaille d’argent des Jeux Olympiques de Sotchi en halfpipe. Médaillée en faisant des sauts tête en bas et maman, l’histoire n’est pas commune. Alors les médias en rafolent, d’autant que Marie a un franc parler et un naturel qui apportent beaucoup de fraîcheur. Une rencontre pour le grand public donc, mais dans le petit milieu du ski, tout le monde sait qui est Marie depuis longtemps. Retour sur le parcours de l’étoile française du freestyle.

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Photo : Agence Zoom
Un caractère bien trempé

Petite, Marie habite la Plagne. Elle est la fille d’un papa conducteur de dameuse et d’une maman monitrice de ski. C’est à neuf ans qu’elle débute la discipline ancêtre du freestyle actuel, qu’on appelle alors le ski artistique et acrobatique, et dont les disciplines sont les bosses, le saut et le ballet (acroski). Seule fille ou presque parmi un groupe de garçons déjantés, la jeune skieuse se forge un caractère bien trempé, et pour ne pas rester en reste niveau provocation, va même parfois supplanter les garçons ! Engagée, l’acrobate n’a pas froid aux yeux ni la langue dans sa poche, met la tête à l’envers sur les sauts, tient tête à ses coachs et n’en fait qu’à sa tête justement ! Ultra-douée, elle gravit rapidement les échelons, lâche les bosses et s’oriente vers le halfpipe dès que la discipline commence à se développer. Elle n’a que 15 ans quand elle rejoint le team international de la marque française de skis Dynastar chez qui elle fera l’ensemble de sa première carrière de skieuse. Têtue, pas toujours très raisonnable, encore moins raisonnée, Marie fait ce qu’elle veut, s’entraîne quand elle veut, épouse un snowboarder de dix ans son aîné qu’elle quitte après deux ans de mariage. Toujours au top sans être tout à fait au sommet, Marie enchaîne les podiums sur les plus grands contests internationaux et aux X-Games, mais ne récolte par toujours l’or auquel elle pourrait prétendre. Première à réaliser un 540 dans le halfpipe, puis première à plaquer un mac twist, la forte tête réalise des exploits un jour, puis rien du tout le suivant, manquant souvent de régularité, de mesure et de raison. En 2006 à 22 ans, Marie claque la porte de la compétition sur un coup de tête. Elle raccroche les skis et, par amour, reprend un bar, se lançant alors dans une vie nocturne aux antipodes de la vie des sportifs de haut niveau.

 

 

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 Sous le signe du papillon

Ce bar sera peut-être sa chrysalide. Personne ne le sait encore, et surtout pas Marie, mais ce tournant dans sa vie, cette phase de sept ans loin des pistes de ski va changer la (re)-belle sur bien des aspects. Impliquée et passionnée, la patronne de bar vit son expérience à 100%, se couche tard, ne skie presque plus, coupe avec son ancien milieu. Amoureuse et heureuse, elle donne naissance à Mélirose, sa fille, en 2009. Ses copines du freestyle lui proposent de reprendre la compétition quand la discipline entre au programme officiel des Jeux Olympiques. Mais la jeune maman n’en est pas là. D’autant qu’elle se fracture gravement la main gauche dans un accident de voiture, ce qui la conduit à passer quatre mois en centre de rééducation. En 2012 pourtant, un drame survient qui la touche profondément et influencera ses décisions futures, le décès de son amie canadienne, la championne Sarah Burke, suite à une mauvaise chute à l’entraînement. Quelques mots par ci, quelques signes par là, le ciel semble montrer la voie à Marie qui finira par la suivre, et se décide à reprendre la compétition. Mais rien n’est gagné d’avance. Le niveau des filles a augmenté pendant ses six années d’absence. Et les heures sous la barre de musculation ou sur le trampoline ne faisaient pas vraiment partie de son quotidien de patronne ! Pour autant, niché quelque part derrière son bar, la chenille poursuivait sa mue, et c’est toutes ailes déployées, à l’instar du magnifique tatouage qui orne la peau de son dos, que la skieuse reprend son envol et le chemin de l’entraînement.

 

Grâce au travail, les médailles

Facile à dire, pas si facile à faire. En 2012, à 28 ans, la skieuse reprend du service, chausse à nouveau les skis, recommence la préparation physique et part affronter les jeunes dans la journée, mais continue à servir des mojitos le soir. C’est dur. Très dur. Mais elle tient bon et suit son instinct comme elle l’a toujours fait. Elle remporte les deux étapes du SFR Freestyle Tour auquel elle participe, vend le bar et se lance dans la recherche de partenaires pour récolter les 40.000 euros dont elle a besoin pour faire la saison. La suite on la connaît ou presque. En 2013 elle remporte la médaille d’or tant convoitée sur le halfpipe des X-Games Europe de Tignes. Puis l’argent aux Jeux Olympiques de Sotchi en 2014. La saison dernière, elle accroche de nouveau l’or autour de son cou lors des X-Games d’Aspen (Colorado), l’argent des Championnats du Monde à Sierra Nevada en Espagne et s’octroie le globe de cristal de la discipline, 13 ans après l’avoir remporté pour la première fois. Pourtant, elle a bien failli ne pas faire cette saison, lâchée par ses sponsors à l’été 2016. Mais Marie le sent, elle trouvera une solution, c’est là, à sa portée, et de là-haut, Sarah et son papa sont là qui veillent sur elle… La Fédération Française de Ski et les anciens champions de la Plagne, dont Eric Laboureix, aussi. Ils activent leurs contacts. Ils trouvent ainsi deux entreprises locales (le supermarché Leclerc à Aime, la marque de skis La Fabrique du Ski) pour financer son projet et lui fournir le matériel nécessaire pour aller jusqu’à Pyeong Chang. En prime,  la marque de vêtements de ski SOS l’équipe et lui réalise une tenue tricolore unique pour les JO. Et tous ont bien fait de lui faire confiance et lui donner sa chance. La voilà à nouveau médaillée d’argent. Prête à se lancer dans une reconversion à son image, pas banale.

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Photo AFP / Loïc Venance
Quelle reconversion pour Marie ?

Pour la doyenne du circuit qui a aujourd’hui 33 ans, tout sera à écrire à nouveau à la fin de la saison. Une seconde reconversion, un deuxième enfant peut-être ? Une carrière de journaliste sportif pour celle qui officie déjà sur RMC et BFM Sport dans le Super Moscato Show ?  Un engagement pour la cause des femmes ou l’écologie, toutes deux chères à son cœur ? Rien n’est écrit encore mais gageons que la championne, qui aime transmettre et partager, et qui le fait déjà fort bien, trouvera vite dans quel domaine s’investir. A son actif déjà, l’organisation deux hivers de suite d’un show caritatif 100% filles, le Contest Air Ladies à Tignes et le parrainage de la campagne de prévention lancée par le ministère des Sports autour de la pratique des sports d’hiver depuis l’an dernier. Quoi qu’il en soit, avec son franc parler, sa joie de vivre et sa capacité à être partout sauf là où on l’attend, Marie fera encore parler d’elle pour notre plus grand plaisir.

 


Palmarès de Marie Martinod
  • 21 départs en coupe du monde
  • 12 podiums
  • 7 victoires
  • Vice-championne Olympique en 2014 à Sotchi et 2018 à Pyeong Chang
  • Vice-championne du monde en 2017 à Sierra Nevada
  • Vainqueur des X-Games à Tignes en 2007 et à Aspen en 2017
  • Vainqueur de la coupe du monde halfpipe en 2004 et 2017
  • Marie est aussi la seconde maman a avoir gagné les X Games avec Ophélie David.

 

Retrouvez le portrait croisé de Marie Martinod et Ophélie David.

 


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